L'Egypte ; c’était un endroit qui lui laissait ce sentiment confus que lui procuraient ses vieux souvenirs rances et archivés depuis déjà des années, même avant qu’il ne soit dans… Cet état. Loin de l’Egypte touristique et de l’agitation diurne des rues, dans une ville qui abritait l’usine Anubis et l’IA divine confinait en ces lieux, la silhouette noire de suie se faufilait dans les rues éclairées par la lune. Véritable nuage de peste, son corps volatile passa au creux de chaque fissure, chaque petite aération, chaque faiblesse disséminée dans la ville à l’image de celles de l’être organique qu’était l’Homme.  
Mais alors que son corps cauchemardesque s’infiltrait au cœur des lieux, un liquide noir se rependait sur le sol en bruit écœurant, suivant sa course en traîné. Arrivé sous le porche fait de toile d’un commerce quelconque, le spectre s’arrêta, reprenant forme solide. Sa main se porta sans douceur à son flan et il serra la plaie qui laissait suinter le fluide sombre. La douleur qui découlait de la veine tentative de ses cellules à se régénérer et à se dégénérer chaotiquement était entêtante et faisait monter en lui une fièvre nouvelle qui l’étourdissait. Un souffle d’outre-tombe passa la barrière de son masque alors qu’il s’accroupissait contre le bois d’une échoppe.

Pour retracer la visée de sa venue et l’état pathétique du cadavre dont il usait comme corps il fallait remonter un peu dans les évènements antérieurs. Son état était dû à une mission catastrophique, un vol qui avait été engagé par lui et son équipe (composé de Fatale et Sombra) non loin de l’usine Anubis. Ce vol avait pour but d’acquérir des nouvelles technologies à la pointe de ce que faisait le pays, mais ils avaient malheureusement trop approché de l’IA divine confinée non loin. Cette IA divine qu’il avait lui-même confiné avec son équipe, dans une autre vie, il y a 30 ans de cela.  Et ça avait énervé Helix Security. Vraiment beaucoup énervé… et ils s’étaient retrouvés submerger. Pour passer les détails, tout c’était très mal passé et malgré une retraite réussie, une roquette avait emporté la chair putréfiée de son flan, une portion d’au moins 5cm de diamètre, arrachée dans le vif, laissant un trou béant et ténébreux.  Sans parler des blessures que les plus humains d’entre eux arborait maintenant. Ils avaient pris le large à bord de leur vaisseau et le Faucheur ainsi que ses équipiers s’étaient réfugiés dans une planque près du Caire. Mais quand on était inhumain comme lui, se faire soigner n’était pas une option. Il devait attendre que ses cellules se coordonne et cesse de danser sans partition pour espérer que sa matière se reforme. Alors le Fantôme devait cesser ses activités d’extérieurs  en attendant et retourner se terrer dans les locaux du Talon préparer ses plans. Homme d’action… Non… Créature d’action qu’il était, ce n’était pas dans ses préférences. Il ne pouvait s’y résoudre. Et quittant son statut de chef du Talon tout en quittant les bâtiments de l’organisation le temps d’une escapade, il erra dans les rues de la ville morte et sombre du temple d’Anubis.  

C’était ici qu’un homme ambitieux accompagné de son jeune second avait rencontré un soldat à l’efficacité redoutable, il y a 37 ans. Un aigle portant son regard protecteur sur le champ de bataille sans jamais défaillir. L’œil aussi aiguisé que son esprit et les doigts aussi rapides que sa rhétorique. Terrible erreur que d’avoir fait équipe avec elle, cette action amenant vite à l’idée d’Overwatch dans la tête des Nations Unis qui avaient pu observer leur victoire rayonnante. Terrible erreur que de se lier avec ce sniper raisonnable et sans prétention, qui choisirait fatalement un camp ne molestant pas son intégrité. Une personne qui même après avoir connu la mort et en être revenue ne semblait pas comprendre la tourmente qui injuriait son être et le supplice qui pavait sa route de vengeance méritée et nécessaire ! Comment pouvaient-t-ils partager cette renaissance et ne pas se comprendre ? Sûrement car c’était les ténèbres qui avaient pris la vie d’Amari à contrario de Faucheur qui ne gageait sa survie qu’à leurs inconstances immuables. Ah les enfants prodiges, menés par Morrison qui n’avaient jamais vu autre chose que le côté de leur pièce ; teinté de lumière éblouissante. Et pas la face tâchée et sanguinolente qui était le revers de leurs actions.

Le Faucheur avait besoin de reprendre ce qu’on lui avait volé, sa vie, à tous les membres d’Overwatch qui avaient un jour cru bon de faire leur renommé sur le sang que ceux de Blackwatch avaient versé pour eux.  Pour les membres de Blackwatch ? Il les laissait en paix, sauf les traîtres et les déserteurs… Dont ses plus fidèles bras droit. Amusant à voir comme ses proches avaient toujours été les premiers à l’abandonner pour un peu de lumière. S’il était perdu à Anubis alors que la lune brillait à mi-hauteur de son parcours, ce n’était pas juste pour se remémorer des souvenirs répugnants tout en profitant de l’air pure pour se ressourcer. Il avait besoin… Un souffle douloureux lui échappa alors qu’il se redressa… Il avait besoin de sauver ce qui était encore à sauver mais aussi, et dans le même temps, de pervertir les idées naïves que Morrison avait mis dans la tête de ses proches. En commençant par les moins touchés, ceux qu’il était encore possible de récupérer. Son souhait était de montrer à Ana et à ce « mystérieux » Soldier76 ce que leurs idéaux valaient. Et pour se faire il avait besoin d’une nouvelle voix pour transmettre ce message… Une voix plus sincère et moins partie prenante ; la vérité ne sort elle pas de la bouche des enfants ? Voilà son angle d’attaque. Voilà la raison de sa présence ici. Cependant il avait appris sa leçon avec ce bon à rien de McCree ; il ne ferait plus confiance aussi facilement qu’il le fit dans le passé.  

Le logement devant lequel il se trouvait n’était peut-être pas tellement choisi par pure hasard pour se poser une seconde, le temps que son corps cesse de s’agiter comme une nuée d’insecte paniquée. Quelle chance que les combinaisons Raptorian soient connectés à leurs propres réseaux privés et qu’avant de fuir… Enfin, de sonner la retraite disons plus tôt- il arracha le cœur de l’armure d’un cadavre encore chaud. Plus qu’à le hacker pour récupérer des données qu’aucun n’aurait pu avoir autrement. En théorie, hacker ces petites merveilles étaient impossible, mais pas quand on comptait dans ses équipes Sombra. Il se trouvait en cette soirée devant le logement enregistré pour le capitaine Fareeha Amari, celui qu’elle était censée utiliser quand elle n’était pas en caserne. Et il était presque sûr qu’elle y serait ce soir. Peut-être se trompait-il, mais il en doutait.  

Ah enfin… Il sentait douloureusement ses cellules commencer à faire inconsciemment consensus et restaurer légèrement sa carcasse, rien d’extraordinaire mais il s’en releva d’autant plus souplement avec un ricanement. Enfin, temps d’entrer en jeu. Faucher tout espoir et consommer la souffrance ; temps d’en faire quelque chose de productif, de toute cette solitude et cette souffrance qui accompagnait le corps de la jeune égyptienne.
La mort glissa par l’aération du bâtiment, souffle froid et putride dans une nuit calme et humide. Une fois à l’intérieur du bâtiment, la fumée se dissipa dans l’obscurité, invisible aux yeux des mortels. La brume qu’il formait ne laissait filtrer aucune lumière même pas celle de la lune, et elle se déplaçait en silence dans la bâtisse, tel un monstre d’enfant ; les pires – impitoyables et plus terrifiants que ce qu’aucune imagination adulte ne pourrait retranscrire avec autant de réalisme dans ce qu’était l’effroi. Elle glissa dans la fente de la porte d’une chambre à coucher, entre la porte et le sol.  

La voix s’éleva d’outre-tombe dans l’obscurité, venant de nulle part et de partout ; de chaque coin d’obscurité dans la pièce.

« -Le soldat a échoué… A tous ses devoirs. Assez d’être abandonnée ? Assez d’être oubliée et écartée des réponses que tu cherches ? »

Ses traits commencèrent à se dessiner dans le tumulte noir que formait la fumée. Puis il s’en extirpa, reprenant une forme « humaine » si tant est qu’il y est quoique ce soit qui l’apparente encore à cette catégorie.

« -Je sais où est ta mère. »

Lança-t-il comme une bombe, sans précaution. Besoin de capter son attention, besoin de ne pas se faire de nouveau tirer une roquette dessus et de devoir en venir à la main. Mais s’il le fallait, il y était plus que prêt.

« -Et je sais avec qui. Avec qui elle perd son temps alors que tu es seule. A te laisser seul, encore et encore pour le bien d’un autre. »

Le Faucheur n’était personne pour Pharah, l’oublie avait emporté qui il était pour presque toutes ses connaissances. Mais même de son vivant -  du moment de sa vie si lointaine où il était un homme qu’il ne reconnaissait plus aujourd’hui – le lien entre lui et l’enfant était ténu. Peut-être l’avait-il apprécié, essayait-il de découvrir en balayant la colère qui entamait ses souvenirs… Surement que oui, mais un assassin et un enfant, ce n’était pas une dynamique qui l’enthousiasmait quand il était commandant de Blackwatch. Il était trop habitué à faire des orphelins à torturer pères, mères et famille pour vouloir embarquer la fille d’une ancienne amie dans ses pêchés de sa seule présence. Du moins c’est ce qu’il se disait il y a 20 ans jusqu’à il y a quelques années. Depuis il avait changé. Le Faucheur aujourd’hui voulait tout emporter dans sa vengeance et surtout elle… Surtout la fille d’une ancienne amie qui méritait une leçon.

« -Et je peux t’aider à la trouver, mais sans te mentir ; ce ne sera pas gratuit. Si tu me suis, sache que je collecterai ta dette… à un moment ou à un autre. »

Son corps était imposant, flottant dans la nuit et sa main gantée se tendait avec invitation vers la brune.