Pas un mot ne sortait de la bouche des silhouettes aperçues dans le camion. Nous entendions simplement les roues rouler vers leurs destinations. Le paysage défilait si vite que nous avions à peine le temps de contempler le ciel. Ce ciel couvert d’une épaisse fumée grisâtre, se mélangeant parfois à de l’orange et du rouge.
Lorsque l’intensité des rayons devenait plus forte. Nous avions reçu l’autorisation du gouvernement de dépêcher une équipe médicale sur place. L’angoisse montait d’un cran, et les tensions aussi. Malgré tout, une main bienveillante se posait sur mon épaule. Je fis un sursaut puis tourna la tête. En enlevant mon casque, je vis le chauffeur du camion. Notre chef d’équipe pour aujourd’hui et pour le reste de la mission.
« Nous savons tous ce que nous risquons de trouvez là-bas, la situation est vraiment urgente » Fit-il d’une voix assez neutre. J’admirais son grand courage. Cette manière de rester calme dans n’importe qu’elle situation. J’avais l’habitude mais pas autant que lui. C’était ma première fois. La première fois que j’étais envoyée sur un terrain de guerre entre humain et omniaques.
« Ça fait combien de temps que tu exerces Alma ? » demanda-t-il les yeux rivés sur la route parsemées d’obstacles en tout genre. Habitations détruites, briques, bombes tombées, la vigilance était à son maximum.
« Ça fait quinze ans monsieur… je pense… j’ai commencé comme médecin généraliste, dans son propre cabinet, puis après j’ai voulu faire de l’humanitaire, je ne voulais pas me limiter à mon pays, je voulais faire plus, aider le plus de gens possible et donner accès aux soins à plus de populations, je pense que ça fait trois ans que j’ai commencé à exercer chez cette ong » Répondis-je en prenant une grande inspiration.
« A vrai dire j’ai arrêté de compter depuis que j’ai terminé mes études… » fis-je de manière ironique pour détendre l’atmosphère. Il esquissa un autre sourire.
« Ça fait cinq ans de plus que toi que j’exerce Alma… je comprends ton ressentis mais tu sais, on apprend à faire avec et à vivre avec, ça ne vient pas comme ça en un claquement de doigt du jour au lendemain, tu verras tu y arriveras ! Comme tout le monde présent dans ce convoi humanitaire ! »Précisa-t-il en tournant la tête vers son équipe entreposée à l’arrière avec le matériel. Plus le convoi se rapprochait de la zone, et plus nous avions froid.
Je me souviens beaucoup frissonner malgré mon gros manteau, écharpe et gants. Nous allions arriver dans notre hôpital de fortune. Un grand bâtiment blanc construit par les autorités locales pour nous accueillir. Nous étions là-bas pour un mois.
Cela me fait bizarre c’était ma première fois dans ce pays. J’étais assez dépaysée, heureusement que je n’étais pas le médecin en chef. Je n’étais que la seconde dans cette équipe.
Une fois arrivée sur place nous avons tous descendus notre matériel et sommes partis nous installés. Nous étions accueillis en héros parmi la population qui nous attenais depuis longtemps. En temps de guerre, la situation était toujours très dangereuse. C’était un contexte particulier ou il fallait rapidement trouver son rôle et sa place. L’organisation se fit très vite. Et dès la première heure, nous accueillions déjà hommes, femmes et enfants. Tous avaient besoin de soins d’urgence.
En tant que médecin généraliste, je commençais ma journée par les soins intensifs d’un jeune enfant. Un enfant visiblement mal nourri, en sous nutrition très faible. Il fallait le réhydrater au plus vite. Je pris le temps de l’expliquer à sa maman inquiète et de la rassurer.
Je fis ensuite tout le nécessaire au niveau soins primaires, puis je passais au reste. Exerçant avec précaution, et rapidité. Voir cet enfant ainsi me faisait souffrir intérieurement, même si je commençais à avoir l’habitude, je me sentais tellement proche de mon patient. Comme si à chaque enfant soigné, c’était une partie de moi qui était contente ou brisée.
On dit souvent qu’un omniaque est différent d’un humain. Certes, c’est vrai, nous avons nos différences, mais eux aussi ont le droit d’avoir les soins. Cet hôpital accueillait autant humains qu’omniaque. Cette ong soignait les gens peut importe leur statut, leur âge, sexe, idiologie etc… Les heures de la journée passent et se ressemblent, cet enfant n’est pas mon seul patient de la journée.
J’ai eu une femme enceinte, un homme, des enfants, des personnes âgées affaiblies, aujourd’hui nous n’avons perdu que deux personnes. Ce fut un coup dur pour moi. J’ai pleurée, je n’ai pas pu me retenir. Les jours se suivent et se ressemblent, parfois nous avons des bagarres à gérer, la fatigue y est souvent pour beaucoup. Je ne dors pas beaucoup il m’arrive en effet d’être appelée la nuit pour une urgence et de remplacer un collègue. C’est comme ça, on s‘adapte.
Heureusement, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles, il y a aussi les joies et la bonne humeur, la joie de voir un patient se remettre petit à petit, et de lui annoncer qu’il est guéri et peu repartir chez lui. Heureusement qu’il y en avait, des moments comme celui-ci. Sinon je ne pourrais pas faire ce métier. Je pense que c’est pour ça qu’on aime ce métier. Malgré cette expérience compliquée qui nous fais prendre du recul sur nous-même et sur la vie.
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La mission qui fut la compliquée pour moi ? au cours de ce mois-ci, ce fut celle de devoir « guérir » puisqu’on ne peut pas vraiment dire « soigner » un omniaque. Un omniaque étant une personne qui n’est pas humain, aucun d’entre nous n’était apte à pouvoir lui prodiguer les soins nécessaires à sa survie. Son arrivée dans l’hôpital provoqua une révolte générale des patients que nous avons dû canaliser.
Des insultes furent même entendues à son encontre, dans cette région du monde, les effets et les traces de la guerre entre humains et omniaque était encore présent dans tous les esprits.La guerre n’était pas finie d’ailleurs. Beaucoup d’humains avaient soufferts à cause d’eux.
Tous le regardaient d’un air méprisable, la tension était montée d’un cran. Tout le personnel du l’emmener à l’abri des regards. Certains devaient forcer le passage. Le silence devint roi lorsque l’omniaque fut emmené à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes.
Une discussion suivit d’un débat du se faire. Et c’est là que nous vîmes les avis divergents sur la question de prodiguer des soins ou pas.
« Nous sommes des médecins ! Pas des mécanos ! »Je fus surprise de voir des gens parler très peu généralement et s’exprimer cette fois-ci. La réponse semblait non à l’unanimité, pourtant je sentis tous les regards se tourner vers moi. J’étais la seule à être restée muette et à avoir observé le comportement de chacun.
« Si personne ne veut le faire, alors je le ferais… l’ONG doit prendre en compte toute personne demandant de l’aide… je le ferais ! Même si vous êtes tous contre moi » Je regardais mes collègues les uns après les autres. Plus personne ne savait ou se mettre à cause de son comportement.
« Nous sommes des médecins, nous ne prenons pas partit pour tel pays, telle organisation gouvernementale, nous sommes une organisation non gouvernementale, sans frontières, sans barrières, nous ne devons pas oublier nos valeurs et le pourquoi nous avons choisis ce métier, la vie est plus importante qu’autre chose, je me formerais, je soignerais, j’apprendrais…et nous verrons ensuite.
Vous savez aussi bien que moi qu’ils ont une conscience, c’est soit nous, soit la mort pour lui. Regardez le monde autour de nous, la guerre fait rages, tant de monde sont tués tous les jours. Je veux rendre le monde meilleur en sauvant autant de vies possibles, peut-importe qu’elles soient humaines ou non. Je veux au moins essayer ! »Mon discours fut applaudi par quelques personnes qui décidèrent de me soutenir. D’autre quittèrent la salle de réunion énervés par le regard et la vision que j’avais sur la médecine. Sur ma vision de la guerre aussi. Je savais que mes paroles n’avaient pas pu plaire à tout le monde. Il y eu de nombreuse démission ensuite.
Un mouvement de protestation se souleva une nouvelle fois lorsque la nouvelle fut annoncée. J’ai enfilé ma blouse blanche, et je suis allée le voir. J’ai refermé la porte derrière moi et là c’est un monde complètement à part que j’ai découvert. Le monde Omniaque.
« Vous êtes seule ? » demanda-t-il.
« Oui, personne n’a voulu vous prendre en charge… » expliquais-je avec un regard mélancolique. Je passais ma main sur ce torse mécanique. C’était une sensation très étrange.
« Je vous remercies d’avoir pris ce risque pour moi. Vous n’y étiez pas obligée, je vous mets dans une position délicate je crois… » « En effet… je serais surement contrainte de démissionner après… sauf si mon chef partage mon point de vue » Ce qui risquait d’être très difficile bien que ce fût un ami, il devait aussi faire en fonction de l’organisation. Il ne pouvait pas risquer de faire fermer l’ong juste pour moi, juste parce que je n’avais pas pu résoudre à abandonner cet omniaque en tant de guerre. Pour moi, c’était le rôle d’une organisation non gouvernementale. Je le regardais sans d’abord savoir quoi faire. Je résonnais comme si je voulais soigner un humain alors que ce n’était pas le but ici.
C’est là que j’ai appris à connaître le fonctionnement d’un omniaque, guidé par celui-ci j’ai réussi ce qu’on disait impossible à faire. J’ai rebranché les circuits, remis les fils en place, fait des points de soudure, heureusement pour moi ce n’était pas un « organe » compliqué. Puisqu’il s’agissait d’une « plaie sur le torse ».
Je me surprise même à renommer les opérations que j’effectuais avec délicatesse pour être sûre de ne pas lui faire mal. C’était une anatomie complètement différente de celle d’un humain classique. Ce n’était que des choses mécaniques et non de chairs et de sang. C’était compliqué à gérer, parce que c’était quelque chose de totalement nouveau et différent de ce que j’avais l’habitude d’observer, diagnostiquer et surtout de faire. L’Omniaque c’était laissé faire, ce qui m’avait facilité la tâche.