La vieille, Christopher Miller avait été un fier représentant de l’humanité civilisée ; installé sur la chaise d’un tableau télé avec un air raisonné. Sa main ne cessait de remettre son verre d’eau en place alors qu’il fixait ses notes sous un costume taillé sur mesure. L’écharpe qui tombait grossièrement sur ses épaules et ses cheveux nonchalamment attaché lui donnait un air d’étudiant faussement modeste. Tout cela pour intervenir en tant « qu’expert » sur la question Overwatch. Expert de quoi, expert de qui ? Polémiste serait un terme plus approprié. Fouteur de merde, une nomination parfaite.

D’un œil distrait, durant toute la rencontres des « experts » aussi au courant que les fidèles lecteurs de torchons du monde entier, le plus jeune consultait son portable pour suivre twitter et sa sphère complotiste qui s’enflammait sur ses opposants. Menace physique et de mort s’enchaînaient à l’encontre de tous les représentants qui minimisaient l’importance du gouvernement dans les récents événements qui s’étaient déroulés à L.A. De vrais perles !

Quand il fut son tour de s’exprimer sur les récents incidents dans ce festival de mauvaise foi, il y mit lui-même sa petite touche. Une pincette pour pimenter la recette. Le scientifique était payé pour ça après tout, faire gueuler un peu les bourgeois, botter en touche toute tentative de discussion éclairée, exactement comme ses compères. Un avis tranché ou rien. La nuance risquerait d’inspirer la confusion des pauvres téléspectateurs.

« - Arrêtons de nous mettre des œillères aussi confortables qu’handicapantes. Il tourna son regard vers sa principale opposante. Moi aussi j’ai eu des posters d’Overwatch sur les murs de ma chambre, moi aussi j’ai crié « Hammer Down » en jetant mes kaplas par terre ou lancé ma « visière tactique » sur mes camarades dans le jardin. Mais l’enfance à ça de bon qu’elle n’est pas éternelle. Sur la questions si épineuse qui nous amène ici, il serait peut être intelligent de s’intéresser aux deux partis qui étaient là pendant les attentats. Là où il y a Overwatch, il y a cette mystérieuse organisation terroriste, le Talon. Vous appeler ça une coïncidence, une lutte du bien contre le mal ? Moi, j’appelle ça du crime organisé ! 

 -Oh pitié, M. Miller, encore le grand complot- 

 -Le gouvernement est tout de même bien avare en information sur cette explosion, encore la Griffe ? Mais moi je vais vous dire que … Le brouahah qui commença à suivre sa déclaration le força à hausser le ton, alors que le présentateur tentait mollement de calmer le jeu. Je vais vous dire que je n’y crois pas, comme je l’ai déjà dis de nombreuses fois on étouffe l’affaire ! Le personnel qui s’est occupé des décombres n’a pas retrouvé de nombreuses dépouilles- »

 -C’est ridicule, ces informations sont tout sauf vérifiées... 

-Dine Delphys, Rosia Jasriel, Erid Munds, Seth Sem, Miranda Denier, …, Il hurlait presque à présent, couvrant les voix furibondes qui s’opposaient à lui. Un bon petit accrochage, ce serait sur YouTube le lendemain.

-Un peu de respect pour les familles, M. Miller ! 

-Le vrai respect, ce serait de leur dire où sont les personnes qu’ils pleurent !  Drop the mic. Il quitta sa position à moitié debout pour se réinstaller sur son fauteuil cosy et boire un verre d’eau, écoutant d’une oreille l’opposition farouche mais tout aussi stupide que ne l’était son argumentaire.

Sa grande Némésis dans ce genre de débat, une professeur de science-politique à l’université de Numbani, vint le chercher à rebrousse poil.

-M. Miller, je ne pense pas que gens qui vous suivent soient les plus raisonnés et quand vous parlez aussi négligement, en véhiculant vos idées absurdes, vous favorisez un climat de peur autour de vous. Que dites-vous sur les nombreuses affaires de coups et blessures et délinquances qui semblent vous coller à la peau ?

-Je dirais qu’il n’a pas fallu attendre de voir Blackwatch montrer le bout de son nez pour qu’existe la notion "d’  opposants  politiques." 

Elle poussa un rire indigné. 
 -Mais quel martyre ! 

-Dites-moi, je crois que l’Université de Numbani est première dans son secteur… enfin, la robotique s’entend, car les sciences politiques sont dans les moins côtés de la région. »

Avant que la situation ne s’envenime, la discussion fut ramenée sur un sujet plus « à propos » et vendeur, ce qui n’empêcha pas le presque trentenaire et son homologue universitaire de se regarder en chien de faïence toute la suite de la représentation télévisuelle. Même si au fond, ils savaient tous les deux qu’ils racontaient le même ramassis de déchets et que chacun faisait le beurre de l’autre. Enfin, Christopher l’espérait très fort pour son estime du cerveau humain.

En tout cas, la rediffusion était disponible, ainsi que les plus jolies gueulantes du tournage. La mauvaise fois évidente dont il avait fait preuve faisait ressortir sur les réseaux sociaux la fameuse image du chien niant toute implication dans le carnage juste derrière lui, joli petit meme qui ne lui donnait que plus de point de sympathie.  

Spoiler:

Mais ce soir, après tout ce boulot acharné, il était naturel de se reposer dans un endroit socialement reconnu à travers le monde comme le plus cool ; un bar. Sans vraiment que le truc paraisse évident pour le polémiste. Mais il attendait la fermeture pour pouvoir chercher bagarre dans une rue un peu sombre et se défouler. Courageux mais pas téméraire, il avait son arme de poing dans son sac à dos.

Devant son verre de soda, il consultait certains de ses dossiers, observant les crânes à la lumière des ampoules jaunâtre. C’était un peu comme consulter une revue pornographique à la vu de tous mais sans personne pour faire la grimace. Soudain, un éclair bleu dans la salle réveilla instantanément sa paranoïa et il attrapa son sac à dos à la vitesse de la lumière ; si ce taré de Soldat venait… Ah non, rien de tel, aucune loupioute, rien qui dénotait, juste un gamin dans un sweat à fourrure… Jolies mains au passage, aussi fines que celles qu’il avait l’habitude de traiter au travail. Dommage que le reste ne suive pas et soit si disgracieux, tout en chair. Toujours méfiant, le cœur battant à cent à l’heure de sa petite frayeur, il se re-concentra sur son activité première.